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Robin Hobb : L'Assassin royal


Daniel Ducharme | Romans fantastiques | 2015-03-01


J'ai passé les derniers mois à lire L'Assassin royal de Robin Hobb, un écrivain américain qui excelle dans le genre fantastique auquel elle apporte ses lettres de noblesse. Et maintenant je me sens en deuil de cette histoire fantastique qui m’a tenu sur le qui-vive pendant si longtemps… Que vais-je lire, maintenant ? Comme une personne endeuillée, je devrai laisser passer un peu de temps… avant d’entreprendre une autre lecture de cette envergure.

Pourtant, je n'ai jamais apprécié le fantastique comme genre littéraire, du moins tant et aussi longtemps que je l'associais dans mon esprit à Tolkien, le célèbre auteur du Seigneur des anneaux. Personnellement, même si j'ai du mal à l'avouer (sans doute par crainte des briques qu’on pourrait me lancer à la tête), j'ai toujours trouvé ce cycle d'un ennui mortel. Remarquez, je n'ai pas lu l'œuvre dans son intégralité [1], mais j'ai vu tous les films au cinéma pour faire plaisir à mon fils. Ces guerres incessantes entre clans, sans qu'on n'en comprenne vraiment la cause, m'ont toujours rebutées. Certes, la beauté des images est sublime… mais cela ne suffit pas à conférer de la qualité à une œuvre : il faut davantage.

Avec L'Assassin royal, je suis tombé sur un autre genre de romans, même s'il se rattache au fantastique comme l'œuvre de Tolkien. Et le simple fait que je n’ai rien lu d’autre depuis six mois s'avère déjà un bon indicateur de l'intérêt que je porte à l'œuvre de Robin Hobb. Quelle écriture, sobre et contenue ! Quelle imagination, toujours maîtrisée ! Quelle cohérence dans la structure de cette œuvre immense !

Il faut parfois réfléchir à ce qui nous accroche dans un roman. Qu'est-ce qui fait qu'on ne peut plus lâcher une histoire dans laquelle on est plongée ? Il y a la qualité de l'intrigue, bien entendu. Ses rebondissements là où on n'y attend guère. Des personnages typés aussi, distincts les uns des autres. Enfin, il y le héros, et c’est souvent lui qui fait toute la différence, à mon avis. Je crois qu’avec Fitz Chevalerie Loinvoyant, Robin Hobb a porté un grand coup…

Le héros de ce cycle romanesque puise dans un fond légendaire pluri-séculaire qui n'en finit pas de nous hanter. Peu importe le statut du lecteur, l'identification au héros doit se faire, sinon l'intérêt tombe. Comment doit-on procéder, alors, pour qu’un grand nombre de lecteurs, distincts les uns des autres, différents par leur culture, leur langue, leur religion, puissent s’identifier au même personnage ? C'est là que réside la clé universelle du héros mythique aux sources de la culture occidentale.

Qui est-il, ce héros, cet « assassin royal »? Fils illégitime du roi servant Chevalerie, il est recueilli au château alors qu'il a à peine l'âge cinq ans. On ne sait pas trop quoi en faire... mais Vérité, le frère de Chevalerie, le confie à Burrick, le responsable des écuries. Burrick, donc, le vieil homme autrefois au service de Chevalerie, a pour mission d'élever celui qu'on appellera Fitz, fils bâtard de Chevalerie, lui-même fils du roi Subtil Loinvoyant.

Burrick sera dur envers Fitz, mais il le sera à la manière du père, non du patron. Rapidement, il détecte le Vif en lui, cette magie jugée honteuse qui permet à certains individus de se lier à une bête, comme un homme se lie à une femme pour de longues années. En plus du Vif, que Burrick s’évertuera à étouffer dans l’œuf chez son pupille, Fitz démontre des dispositions pour l’Art, la magie des Loinvoyant.

La magie, le Vif comme l’Art, on pourrait ne pas y croire, au fond… mais elle nous gagne peu à peu dans le récit et, dès le tome quatre, on y adhère totalement. Mais la magie ne suffit pas à rendre ce roman enlevant. Il y aussi ce vieux fonds biblique qui sert de liant, pour employer le langage des maçons, comme l’argile, la chaux ou le plâtre. Aussi le fou du roi Subtil, qui deviendra au fil des pages le meilleur ami de Fitz, se désigne lui-même sous le nom de Prophète blanc. Le Fou fera de Fitz le Catalyseur, appelé aussi le Changeur. Et tout le fond du récit reposera sur un projet dans lequel s’entremêleront hommes, dragons et bêtes.

Est-ce suffisant pour faire de cette œuvre une référence dans le roman fantastique? Non… il faut une histoire d’amour aussi, une belle histoire qui ne trouvera sa conclusion, comme dans les films américains, qu’à la toute fin du récit. L’heureuse élue est Molly, une femme que Fitz a connu au tout début de son adolescence et qu’il aimera toujours, confirmant une fois de plus que, quoiqu’on dise, on ne m’aime qu’une seule fois et, surtout, qu’une seule femme au cours de son existence.

Si vous avez envie de fuir un peu ce monde terne, stupide et guerrier, alors procurez-vous vite L’Assassin royal de Robin Hobb. Ses treize volumes vous occuperont pendant quelques mois…


Robin Hobb, L'Assassin royal / traduit de l'anglais par Arnaud Mousnier-Lompré. J'ai lu, c2001 - disponible en numérique sur plusieurs plateformes dont la Kindle d'Amazon.



[1] Depuis lors, j'ai lu toute l'oeuvre de Tolkien,notamment Le Hobbit, et le cinéma ne rend pas toujours justice à la littérature...

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