Honoré de Balzac : La vieille fille (1837)
Daniel Ducharme | Romans français av 1900 | 2023-03-01
La vieille fille est un roman de La Comédie humaine qui s'inscrit dans le vaste ensemble des Études de mœurs, plus précisément dans la série des Scènes de la vie de province. Publié pour la première fois en 1837, ce roman est parfois regroupé avec Le Cabinet des antiques et, dans ce cas, prend le sous-titre de Les Rivalités (vol. 1).
Dans les premières pages de ce roman, Balzac décrit avec force détails la situation particulière du Chevalier de Valois, un prétendu bâtard de cette lignée royale éteinte depuis Henri III. Peu fortuné, le Chevalier fait bonne impression dans la bonne société d'Alençon, une commune de Normandie. Amical avec les ouvrières de madame Lardot, sa logeuse, sa préférence va toutefois à Suzanne. Celle-ci se prétend enceinte de lui, mais il la retourne comme un gant en lui conseillant de se rendre à Paris aux frais de monsieur du Bousquier, un républicain ambitieux qui, en conséquence, craint le scandale comme la peste. Ce personnage est associé par Balzac à la bourgeoisie républicaine. En fait, le Chevalier de Valois et du Bousquier, l'un royaliste, l'autre libéral, sont des rivaux, tant en politique qu'en amour conjugal : tous deux souhaitent épouser Rose-Marie Cormon, la vielle fille qui donne le titre au roman.
Afin de nuire à son rival, Valois suggère à Suzanne de se rendre chez du Bousquier et réussit à lui soutirer 600 francs. Mais elle en veut mille. Elle décide de poursuivre sa mission en rendant visite à madame Granson. Celle-ci vit avec son fils Athanase, un jeune homme de 23 ans. Ce jeune homme, Balzac le considère comme un génie. Un génie qui s'ignore, toutefois. À l'instar du chevalier de Valois et du Bousquier, il a aussi des vues sur mademoiselle Cormon, sauf que lui, le ténébreux romantique, en est follement amoureux. Quant à Suzanne, elle tombe amoureuse de ce garçon, ce qui ne l’empêche pas de filer à Paris sans demander son reste.
Ensuite, Balzac décrit la maison de mademoiselle Cormon, une vielle maison sise au centre d'Alençon construite sous Henri IV. Cette description est enrichie d'une illustration de l'importance sociale du salon que tenait la vielle fille. Visiblement, l'auteur plante le décor pour les scènes qui vont suivre et, comme nous nous en doutons, il le fait avec force détails. De la maison, Balzac passe à Rose-Marie Cormon qu'il décrit avec justesse : une dévote prise entre son oncle abbé et son confesseur.
Trois prétendants, donc, mais la demoiselle n'arrive pas à se décider. L'arrivée inattendue du vicomte de Troisvilles, un neveu de son oncle, va susciter des attentes qui seront vite déçues et vont compromettre, en un certain sens, la réputation de Rose-Marie. Pour y remédier, elle décide de se marier au premier des trois qui en fera la demande. Elle choisira du Bousquier au détriment du Chevalier de Valois qui accepte la défaite de bonne guerre. En revanche, il n'en est pas de même pour Anathase qui connaît une fin tragique. Les conséquences de l'échec du Chevalier ne se font pas attendre non plus; il se met à vieillir, à dépérir à vue d'œil et devient par la suite la risée d'Alençon. Quelques années plus tard, il meurt presqu'en même temps que Charles X, son roi à qui il a tout laissé.
À Alençon, la vie reprend son cours, mais rien ne se passe comme Rose-Marie l'avait espéré. Du Bousquier prend rapidement le contrôle de sa maison et de sa fortune. En cherchant à se mettre au goût du jour, il saccage toutes les habitudes de sa femme et de son oncle, qui ne s’en remet pas, et bientôt celles de la ville tout entière. Mais elle laisse faire, même après la mort de son oncle, tellement elle craint de retrouver son statut de vieille fille...
Que penser de La vieille fille? Sur le plan de la structure, rien de nouveau chez Balzac : elle brille par son absence. En effet, aucune subdivision, ni en chapitre ni en partie, vient en en faciliter la lecture. Toutefois, il y a toujours une structure, n'est-ce pas ? Même quand elle n'est pas apparente. Ce qu'il y a de particulier dans ce roman, c'est qu'une fois que Balzac a bien planté le décor et décrit les personnages clés du roman (première partie), les événements se précipitent à un rythme accéléré (deuxième partie). Autrement dit, après une première partie que d'aucuns trouveront peut-être un peu longue, nous sommes vite happés par le dénouement de l'intrigue dans la deuxième partie (qui n'est pas nommée comme telle, comme je vous ai prévenu). Est-ce un bon roman ? Oui, sans aucun doute. On y découvre un Balzac caustique, parfois cruel, mais sans doute réaliste, dans la description qu’il fait des personnages qui composent la société de province d’Alençon. Conclusion : allez-y sans crainte !
Honoré de Balzac. La vieille fille, c1837, ouvrages libres de droit disponibles sur toutes les plateformes.