Georges Sand : La petite Fadette
Daniel Ducharme | Romans français av 1900 | 2024-04-01
Je n'avais jamais lu un roman de Georges Sand à ce jour. Récemment, après l'écoute d'un documentaire de Richard Desjardins sur Frédéric Chopin, ma curiosité a été attisée par le récit de la relation qu'elle a eue avec le compositeur. J'ai donc décidé de lire du Georges Sand. Mais que lire ? La connaissant mal, j'ai choisi au hasard La petite Fadette, un roman qui s'inscrit dans la série dite champêtre de l'écrivaine.
Pour vous dire la vérité, l'intrigue est toute simple : une guérisseuse, dont les paysans du coin se méfient tout en recourant à ses services, vit dans une mansarde à la périphérie du village avec les deux enfants qu'elle a recueillis après que leur mère - sa fille, donc - les eut abandonnés pour partir avec un soldat. On ne l'a jamais revue. Les enfants en question sont la Fadette, l'héroïne de ce récit, et Jeannet, son petit frère qui souffre d'un handicap, ce qui ne fait rien pour arranger les choses car, à l'instar de leur grand-mère, ils n'ont pas bonne réputation et, en conséquence, font l'objet des moqueries constantes de la part des villageois. Non loin de chez eux vit la famille Barbeau qui compte plusieurs enfants, dont deux fils jumeaux, Landry et Sylvinet, parfois appelé Sylvain. À leur naissance, une vieille dame a prescrit aux parents de suivre une série de règles pour éviter que les jumeaux souffrent de leur condition une fois parvenus à l'âge adulte. Dans la première moitié du 19e siècle, le fait d'avoir des jumeaux était encore considéré comme un phénomène étrange dû au mauvais œil. Il fallait donc adopter des mesures pour que chacun puisse avoir une vie autonome, c'est-à-dire sans que l'un d'eux souffre de ce manque terrible quand inéluctablement le temps vient où l'un ou l'autre doit suivre sa voie.
C'est Landry qui, le premier des deux, prendra son autonomie en tombant amoureux de la petite Fadette et ce, dans la plus grande discrétion, pour ne pas dire en cachette de son frère, d'abord, et de sa famille et du village, ensuite. En illustrant l'amour naissant entre une jeune fille, à moitié sorcière, et considérée comme un garçon manqué (terme usité avant la théorie du genre), et Landry, fils du père Barbeau, un paysan du Berry, Georges Sand fait déjà preuve d'originalité. Et elle illustre de façon remarquable toute la portée du mimétisme dans un microcosme social puisque la Fadette, rejeté par le groupe et, en cela, jouant le rôle d'un bouc émissaire, se transforme petit à petit pour devenir l'objet du désir de Landry qui, on s'en doute, finira par l'épouser. En effet, la petite Fadette finit par conquérir Landry, certes, mais aussi toute la famille. Et surtout, elle sauve le frère jumeau de son fiancé, Sylvinet, qui souffre de ce qu'on appellerait aujourd'hui une profonde dépression.
Que penser de La petite Fadette ? D'emblée, mentionnons que nous sommes loin des romans de Balzac composant ses Scènes de la vie de province, dans lesquels un certain réalisme social domine les récits. Non, ce roman de Georges Sand se rapproche davantage d'un conte rural où l'analyse des sentiments humains l'emporte de beaucoup sur une description de la vie des paysans du Berri au 19e siècle. Mais ce n'est pas plus mal pour autant car j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire, ce roman. Avant de conclure, signalons une particularité propre à ce roman : la gémellité. Est-ce vrai que les jumeaux peuvent souffrir de leur condition une fois parvenus à l'âge adulte si on ne prend pas des mesures appropriées ? Il semblerait que ça ne soit pas si simple, mais longtemps on y a cru, du moins on y croyait dans les campagnes françaises du 19e siècle.
Sand, Georges. La petite Fadette, c1849