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David Foenkinos : La vie heureuse


Daniel Ducharme | Romans français ap 1900 | 2024-09-01


La vie heureuse est la traduction maladroite de Happy Life, une thérapie en usage en Corée, pays reconnu pour ton taux élevé de suicide. Cette thérapie permet à un individu de simuler sa mort afin qu'il reprenne goût à la vie. Est-ce que ça marche ? Selon David Foenkinos, il semblerait que, la plupart du temps, et pour la plupart des gens, oui, ça marche... Cette thérapie atypique se situe au cœur de ce très beau roman structuré en trois parties.

Dans la première partie, Éric Kherson quitte un poste de directeur commercial d'une chaîne de sports pour entrer au cabinet d'un ministère du gouvernement Macron, recruté par Amélie, une carriériste qu'il a connue au lycée. Il est séparé, ne voit pratiquement plus son fils et souffre visiblement d'un mal de vivre difficile à cerner. Après quelque temps, il accompagne Amélie en mission commerciale en Corée pour défendre le dossier de la ville de Mulhouse, candidate à un investissement de Samsung qui compte implanter une usine en Europe. Lors de la présentation devant la direction de la société coréenne qui fabrique la plupart de nos téléphones, il s'effondre littéralement... On le ramène à l'hôtel. Après un repos succinct, il passe une belle soirée avec Amélie, sa patronne en quelque sorte. La réunion ayant été reportée au lendemain après-midi, Amélie est confiante, mais le lendemain matin, Éric disparaît, laissant Amélie en plan qui est humiliée pour la première fois de sa vie. Quant à Éric, à son retour à l'hôtel, il dit qu'il s'avère incapable de poursuivre la mission et rentre en France par le premier avion. Que s'est-il passé ?

Dans la deuxième partie, Éric est de retour en France et reprend peu à peu le contrôle de sa vie, notamment de sa vie de père en exigeant la garde partagée de son fils Hugo. Isabelle, son ex femme, étant accaparée par les soins pendant la pandémie, elle n'a aucun mal à céder sur ce point. Puis, après quelque temps, Éric décide d'appliquer la méthode du Happy Life en France. Il donnera le nom de Lycarius à cette approche. Les débuts sont difficiles, mais rapidement il est gagné par le succès, au point d'ouvrir plus de dix succursales en France, dont une à Rennes, sa ville natale.

Dans la troisième et dernière partie, plusieurs années se sont écoulées. Un jour, Amélie se présente pour suivre la thérapie... Aux prises avec ce même mal de vivre qui touche tant de gens des sociétés industrielles avancées, cela lui permet de se retrouver elle-même et, du coup, de se lier d'amitié, voire même davantage, avec Éric.

La vie heureuse s'avère assurément un très beau roman qui se lit pratiquement d'une traite. Malgré cette trame narrative bien menée, son style bien maîtrisé et sa thématique originale, tout en étant dans l'air du temps (en raison d'une certaine mode Corée depuis quelques années), je regrette un peu que, nulle part dans ce roman, l'auteur ne prenne la peine d'élaborer sur ce qu'il appelle l'essentiel, car à quelques reprises, il évoque cette idée de retour à l'essentiel. Chose certaine, quand il écrit que "l'homme heureux est celui qui aime ce qu'il a", Sénèque n'est pas très loin et que, peut-être, au fond, il n'avait nul besoin de chercher plus loin.

Dans le quatrième de couverture, on peut lire : « Jamais aucune époque n’a autant été marquée par le désir de changer de vie. Nous voulons tous, à un moment de notre existence, être un autre. » Sinclair Dumontais, dans son dernier roman, Appel à témoins, ne disait pas autre chose.

Foenkinos, David. La vie heureuse. Gallimard, 2024.


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