Henri Vernes : Bob Morane 23 : La fleur du sommeil
Daniel Ducharme | Romans populaires | 2025-08-01
Bob Morane est au Caire où il est venu voir son ami George Lester avant de rentrer en France. Lester est chef de brigade des narcotiques pour le Moyen-Orient pour le compte du Royaume-Uni. Mais voilà qu'en regagnant sa chambre d'hôtel, il découvre un homme blessé étendu par terre, un Anglais sur le point de mourir. Il lui dit qu'un danger menace son ami. Avant de trépasser, il parle de "Fleur du Sommeil"... Cet homme, un archéologue, s'appelle Lew Harding. Mais un homme au teint basané est dissimulé derrière un rideau. Morane le met hors d'état de nuire et appelle la police. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça commence raide…
Et ça continue dans la même veine puisque, dès le lendemain, Lester et Morane sont victime d'un attentat sur la route, alors qu'ils s'étaient éloignés de la ville pour discuter de cette affaire. À la demande de son ami, Bob Morane part pour Londres pour avertir sans délai Harpe, un autre archéologue, lui aussi en danger de mort. En arrivant chez lui, Morane tombe sur un imposteur, qui tente de se faire passer pour le savant et qui quitte les lieux après l'échec de son plan. Notre héros retrouve alors le corps de Harpe dans un placard, poignardé. Vite, il s'envole pour Paris pour tenter de sauver le troisième archéologue : Nicolas Xarof. Mais à peine débarqué de l'avion, notre héros apprend sa mort par un crieur de journaux. Il se rend immédiatement au Quai des Orfèvres pour discuter avec l'inspecteur de police chargé de l'enquête. Plus tard, chez lui, il reçoit un pneumatique d'un inconnu lui donnant rendez-vous. Malgré le danger qui le guette, il se rend au restaurant désigné. Là, il y a du grabuge et son agresseur, en fuyant les lieux est renversé par un taxi. Avant de s'éclipser, Morane saisit un papier dans la poche du gars sur lequel est inscrit : Michel Litvine. Il décide de lui rendre visite. Mais là aussi, ça tourne mal. Victimes tous deux d'un enlèvement, ils se retrouvent ficelés dans une clinique psychiatrique tenue par les docteurs Praxette. Victime d'une énième attaque armée, Morane finit par s'en sortir grâce à son habileté à se défaire des situations périlleuses… et avec l'arrivée des renforts.
Je m'arrête ici parce que toute la première partie de ce roman est une sorte de pugilat ininterrompu entre un gang indéterminé, Bob Morane et les forces de l'ordre. Et on ne sait toujours rien de l'affaire… Heureusement, l'arrivée d'un témoin, Jean Brûlé, présent dans cette région du sud de l'Iran avec les trois archéologues, réussit à échapper à un autre attentat, grâce à l'intervention de Bob Morale, d'ailleurs. Lors d'une réunion dans les bureaux de l'Interpol, on apprend que l'espion Roman Orgonetz, à la solde d'une puissance étrangère non identifiée, cherche à utiliser l'opium pour corrompre les forces vives des pays occidentaux pour mieux les contrôler. Pour contrer cette menace, Georges Lester confie à Bob Morane la mission de se rendre en Iran pour anéantir ce projet machiavélique. Pour le seconder, Bob fait appel à son vieil ami Bill Ballantine. Bob Morane connaît bien Roman Orgonetz, surnommé "L'homme aux dents d'or", pour l'avoir combattu dans deux romans précédents : Misson pour Thulé et La Cité des sables.
Dans la deuxième partie, Bob Morane et Bill Ballantine sont en Iran, dans les montagnes du Sud, à la recherche du repaire d'Orgonetz. Après avoir posé leur avion sur un terrain rocailleux, nos deux heureux se mettent en quête des bâtiments dans lesquels Orgonetz déploie ses activités. Rapidement, ils aperçoivent le domaine qui comporte plusieurs bâtiments, dont la résidence de l'espion. Dans l'un d'entre eux, ils découvrent une trentaine d'hommes enchaînés, pour la plupart des Arabes mis en esclavage. La récolte de pavot ayant eu lieu, ils ne peuvent détruire les récoltes, mais ils apprennent que le départ a lieu le lendemain. Pendant que Bill Balantine retourne à Téhéran pour prévenir George Lester afin qu'il affrète un navire, Bob affrontera seul Orgonetz et ses acolytes afin de ruiner leur projet d'exportation de l'opium. Il commence par libérer les esclaves, leur confiant des armes à feu afin qu'ils puissent affronter les gardes. Bob Morane s'inquiète de cette décision, mais se rassure par l'énoncé d'un proverbe : "Qui sème le vent, récolte la tempête."
Puis Morane suit le convoi des hommes de Roman Orgonetz à bonne distance jusqu'au bord de mer où un paquebot les attend. À la faveur de la nuit, Bob ébauche un plan pour contrer les projets de l'espion. À la nage, il réussit à atteindre le navire, se hisse à l'intérieur, se cache dans une barque recouverte d'une bâche et, le lendemain à l'aube, s'empare de la cabine de pilotage. Muni de grenades incendiaires, Bob met le feu au navire qui échoue sur une côte d'Arabie. Là, vous vous en doutez, une lutte s'engage entre Morane et des hommes d'Orgonetz venu en renfort. Et au moment où Morane se sent perdu, d'autres renforts - des Britanniques accompagnés de Bill Ballantine - viennent le sauver. Mais le méchant réussit à s'en tirer… Toutefois, notre héros a réussi à s'emparer d'un carnet codé qui, après analyse par les services secrets de Sa Majesté, révèle toutes les plaques d'opium de l'Opération Fleur du Sommeil.
Soyons honnête, La fleur du sommeil est un mauvais Bob Morane. L'intrigue est cousue de fil flanc, et le plan de cet espion au corps disgracieux, est peu crédible, pour ne pas dire ridicule. Comme d'habitude, Henri Vernes n'a mis en scène aucune femme dans ce roman, même pas un petit personnage secondaire. Par ailleurs, nous sommes toujours dans une Europe sûre d'elle-même, une Europe qui a mis le monde à ses pieds. Inutile de crier au loup, mais n'empêche que tous les personnages non-européens de ce roman ne sont guère reluisants…
Malgré ses défauts, le roman se termine par une belle envolée lyrique sur l'héroïsme de Bob Morane, ce qui sauve un peu la mise :
Morane ne répondit pas. Il regardait obstinément vers le large. Sa vie était ainsi jalonnée de gens comme Orgonetz, qui devaient lui en vouloir pas mal, et il continuait pourtant à se porter comme un charme. Cela ne l’empêchait pas de se considérer un peu comme une sorte de Juif errant de l’aventure. Comme le légendaire Ahasvérus, il était condamné à errer de pays en pays, le sort s’acharnant sans cesse sur lui pour lui faire rencontrer à chaque coin de rue une orpheline à protéger, un meurtrier à châtier, un peuple à libérer. Et il se demandait avec inquiétude quand viendrait enfin le jour où il pourrait se livrer à son aise à ses deux sports favoris : la lecture et les pantoufles.
Le jour où Bob Morane lira À la recherche du temps perdu confortablement assis dans son fauteuil, les poules auront des dents...
Vernes, Henri. Bob Morane 23 - La fleur du sommeil. Éd. Gérard et Cie (Marabout), c1957