Lecture en cours

Lectures croisées : mai 2024


Sylvie Bellemare, Lyne DesRuisseaux, Pierre Rivet & Daniel Ducharme | Lectures croisées | 2024-06-02


Sylvie Bellemare

Archambault, Gilles. Vivre à feux doux (nouvelles). Boréal, 2024

Une des lectures de Pierre en avril. Il m’a donné le goût de lire ce livre puisque j’aime beaucoup les nouvelles. Je vous dirige donc à son compte rendu avec lequel je suis tout à fait d’accord.

Morrissette, Guillaume. Deux coups de pied de trop. Saint-Jean éditeur, 2018

J’ai entrepris de lire l’œuvre complète de cet auteur trifluvien. On suit la même équipe d’enquêteurs dans leur travail, mais aussi dans leur vie privée. Dans ce livre, un homme entre dans une maison et se fait tuer par le propriétaire. Ce qui semble être un cas de légitime défense se complexifie à mesure que les enquêteurs trouvent des indices. Une lecture divertissante et une intrigue bien menée.

Morrissette, Guillaume. Le tribunal de la rue Quirion. Saint-Jean éditeur, 2019

Des enfants trouvent un os dans un petit bois. Ils pensent avoir trouvé un os de chien, mais le père de l’un d’eaux a un doute et appelle la police. C’est effectivement un os humain. S’enclenche alors une enquête qui mène les policiers 20 ans plus tôt et sur la disparition d’un jeune homme. On suit l’enquête des policiers et aussi à travers les yeux d’un des jeunes qui a trouvé l’os. Enfin, comme souvent dans les romans de Morrissette, on assiste aux événements criminels qui se sont produits.

Morrissette, Guillaume. Conduite dangereuse. Saint-Jean éditeur, 2021

Cette enquête conclue celle du premier livre de cette série L’affaire Mélodie Cormier. La responsable de l’enlèvement d’une enfant de 10 ans est en cavale et une Québécoise la reconnaît dans le Chinatown de Toronto. L’équipe d’enquêteurs de Trois-Rivières se met à sa poursuite car ils veulent clore cette enquête une fois pour toutes. Le style de l’auteur se retrouve dans ce livre, le dernier d’une série de 6.

Pierrot, Emmanuelle. La version qui n’intéresse personne. Le Quartanier, 2024

Livre coup de cœur, livre coup de poing, voilà comment une amie m’a décrit et conseillé ce livre. Dès le départ, la narratrice nous avertit : « Et maintenant, je vais parler, (...) je ne fermerai plus ma grande gueule de chienne. » Le ton est donné ! Sacha et Tom, deux Montréalais amis de longue date, quittent le Québec pour le Yukon et s’installent dans la ville de Dawson où ils côtoient la communauté punk. Ils se font des ami·e·s jusqu’à ce que tout bascule pour Sacha. La plume de l’autrice est survoltée, comme Sacha et Tom, et elle nous réserve quelques procédés d’écriture assez originaux.

Pleau, Jean-Philippe. Rue Duplessis – Ma petite noirceur. Lux éditeur, 2024

Essai, récit, roman (mettons), comme le dit l’auteur, ce transfuge de classe sociale raconte sa vie en plusieurs exemples ponctués de citations de philosophes et de sociologues. Il cite aussi des auteur·trice·s qui ont, comme lui, changé de classe sociale. La démonstration est claire, mais on a vite compris son propos et le fait de multiplier les exemples n’apporte pas grand-chose. Il se livre beaucoup sur sa vie privée, il dit même où il habite! Si tout ce qu’il dit est vrai, il a sûrement perdu quelques amis!!! Une pensée pour mes ami·e·s bibliothécaires : il parle de la culture, ou de son absence, dans les différentes classes sociales et mentionne l’importance de l’influence des enseignant·e·s et des bibliothécaires dans le cheminement des enfants.

Réhel, Jean-Christophe. La blague du siècle. Del Busso éditeur, 2023

Le narrateur, jeune trentenaire qui vit avec un frère schizophrène et un père atteint d’un cancer, raconte sa vie de façon simple et crue. Il travaille dans un Tim Hortons et peine à gérer son temps et ses émotions. Il rêve de devenir humoriste et suit la carrière de certains d’entre eux. Le style est direct, parfois triste, parfois drôle.

Spit, Lize. Je ne suis pas là. Actes sud, 2023

Cette auteure belge nous entraîne dans l’univers de la santé mentale. Une femme vit depuis dix ans avec un homme qui agit soudainement de façon étrange. Elle doit prendre une grande décision pour maintenir sa propre santé mentale. Le récit alterne entre le passé lointain où les deux protagonistes ont vécu un traumatisme, la passé récent, la dérive de l’homme, et le présent dans lequel un acte inqualifiable a été commis. Une écriture vive et prenante. Ce texte est traduit du néerlandais.


Lyne DesRuisseaux

Bouchard, Roxane. La mariée de corail. Libre expression, 2020

C’est très très rare que je lise du polar. C’est un roman que Luc avait lu et qui traînait chez lui. J’ai plongé avec plaisir dans cette histoire d’une capitaine de homardier retrouvée noyée avec sa robe de mariée au large de Gaspé. L’enquêteur Joaquin Moralès, installé à Bonaventure, est dépêché par sa supérieure pour enquêter sur cette mystérieuse affaire. Il réussira à dénouer le fil de cette histoire, où les vieilles querelles entre pêcheurs traversent les générations. Ou encore, quand la loyauté aux croyances mène aux pires dérives. Moi qui part dans la Baie des chaleurs bientôt, je regarderai les quais de pêcheurs, la mer, les plages et les falaises de Forillon d’un autre œil. Et je lirai assurément Nous étions le sel de la mer, première enquête de Morales, dont La mariée de corail est la suite.

D’Estienne d’Orves, Nicolas. La gloire des maudits. Albin Michel, 2017

Un roman de ma bibliothèque, qui provient de nos « piges-cadeaux » du travail, lesquelles avaient (ont encore) lieu deux fois par année. Les livres traités chez SDM n’étaient pas réclamés par certains éditeurs. La direction en offrait une partie au personnel. J’ai y fait de belles découvertes au fil du temps.
Ici, un roman d’un auteur français que je ne connaissais pas. Gabrielle est une jeune écrivaine publique, fille d’un dandy collaborateur exécuté sous ses yeux à la Libération. Elle trouve au pas de sa porte à intervalles réguliers des lettres d’un dénommé Grameille. Il lui raconte sa relation étroite depuis l’enfance avec Sidonie Porel, la plus grande écrivaine (fictive) des années 1950 en France. Ils sont séparés au début de leur vie adulte au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Gabrielle reçoit le mandat par Grameille d’établir une relation, moyennent rémunération substantielle, avec l’écrivaine excentrique et mystérieuse, aussi membre de l’Académie Goncourt, afin soi-disant d’écrire sa biographie. S’ensuit un portrait acéré de la vie intellectuelle et artistique depuis l’Occupation jusqu’au tournant des années 1960, où se côtoient ex-collabos et vainqueurs, mensonges, demi-vérités et traîtrises. Une rare plongée dans les zones d’ombres du monde de l’édition et des milieux intellectuels, de droite notamment, dans l’après-guerre.


Daniel Ducharme

Compte tenu d'événements inattendus dans ma vie personnelle, j'ai moins lu en mai. J'ai poursuivi le cycle de Fondation d'Isaac Asimov, et j'ai lu le premier tome du cycle Les enfants du désastre de Pierre Lemaître, un cycle de trois tomes à lire absolument. En avril dernier, un peu pour marquer le coup de ma presque retraite, j'ai recommencé à lire des bandes dessinées. Je les joins à cette recension.

Asimov, Issac. L'aube de Fondation. Press-Pocket, 1993

Le deuxième tome de Fondation, deuxième dans l'ordre chronologique de l'histoire, et non dans l'ordre d'écriture des romans de ce cycle mythique. Azimov aurait pu l'appeler Vie et mort de Hari Seldon puisqu'il est entièrement consacré à l'inventeur de la psychohistoire. On ne s'ennuie jamais avec Asimov.

Lemaître, Pierre. Au revoir là-haut. Albin-Michel, 2013

Premier roman d'une trilogie intitulée Les enfants du désastre, adapté au cinéma en 2019. Il raconte la guerre, la première, une saleté de guerre qui montre les hommes et les femmes sous leur vrai visage. Un grand roman qui allie personnages bien typés, originaux, savoureux, du côté des bons comme des méchants, bien qu'il soit assez difficile de distinguer les deux, parfois.

Bandes dessinées :

Abolin, Georges et Olivier Point. Où le regard ne porte pas... Dargaud, 2004, 2vol.

Une histoire tragique, des dessins magnifiques. Une famille anglaise s'installe à Barbelito, un village de pêche non loin de Gênes en Italie. Mais les locaux ne font pas un bon accueil à ces étrangers... Au milieu de tout ça, Lisa et William, un cercle d'amis tous nés le même jour.

Alary, Pierre. Don Vega. Dargaud, 2020

Sans doute l'origine de Zorro, le héros qui a donné espoir au peuple de Californie, province mexicaine annexée par les États-Unis en 1845 et qui, pendant quelques années s'est avérée une zone de non droit où chacun tentait de mettre la main sur les terres, sur lesquelles se nichaient parfois des mines d'or. De beaux dessins, des dialogues efficaces, une histoire qui finit bien, du moins beaucoup mieux que la vraie histoire.

Arleston, Christophe et Audrey Alwett. Voyage aux ombres / dessin de Virginie Augustin. Soleil, 2011

Dans le pays de Darshan, une jeune fille, considérée indigne parce qu'elle fait du théâtre, est mariée de force à un notable du village. Elle préfère mourir pour échapper à la tyrannie du monsieur et, ce faisant, se retrouve au Val d'ombres, le pays de morts. Une histoire fantastique avec un brin d'humour. Adorable, même si les dessins sont un peu sombres, parfois.


Pierre Rivet

Bathelot, Lilian. Geronimo et moi. 10/18, 2023

Malgré le prénom, trompeur, l’auteur est un homme et non une femme, et il publie des romans noirs, des romans jeunesses, de la science-fiction et aussi du théâtre, et il a le coeur solidement enraciné à gauche. Par contre, son personnage est bel et bien une femme, toute aussi enracinée à gauche puisqu’elle participe, et pas qu’un peu, à la Commune de Paris de 1871. Issue d’une famille paysanne pauvre, elle est élevée dans un couvent, pour finalement se retrouver bonne à tout faire dans un troquet parisien. Et quand je dis bonne à tout faire, pour son patron cela veut vraiment dire… tout. Bref, il y est question de prostitution, de trafic d’être humain, de disparition, et de vengeance, tout cela avec, en toile de fond, la Commune de Paris, puis le wild west américain. L’histoire est racontée par le biais d’un journal et de lettres qui tombent entre les mains d’une chercheuse universitaire américaine, procédé un peu usé, un peu paresseux, mais très efficace pour tisser une trame dramatique qui évite les temps morts. Les épisodes se déroulant en France au temps de la Commune de Paris sont bien documentés et on y croise pleins de personnes historiques (Louise Michel, Jules Vallès, Eugène Varlin). Celles qui se déroulent aux États-Unis sont moins crédibles, et un peu inutiles. Le fameux et authentique chef apache Geronimo n’apparaît que vers la fin du livre, d’une façon des plus « romanesque » et très peu crédible, et il fini par faire le coup de feu à Paris avec l’héroïne. Après tout, un « apache » à Paris, à cette époque… pourquoi bouder son plaisir !

Bélisle, Mathieu et Vadeboncoeur, Alain. Quelqu’un doit parler : Dialogue sur la mort et autres problèmes insolubles. Lux éditeur, 2024

Ce livre est en fait le compte-rendu (retravaillé par les auteurs) d’une soirée d’entretien-dialogue animée par la professeure et romancière Catherine Mavrikakis à l’Université de Montréal en octobre 2022. Les invités étaient deux écrivains qui se connaissent à peine : Mathieu Bélisle, essayiste et professeur de littérature au Collège Jean-de-Brébeuf, et Alain Vadeboncoeur, urgentologue, écrivain, et fils de l’essayiste Pierre Vadeboncoeur. Ils sont invités à parler de la mort, de ce que la pandémie nous a révélé à son sujet, chacun à partir de son expérience, celle de la médecine et des sciences pour Vadeboncoeur, celle de la littérature et des humanités pour Bélisle. La lecture est aisée puisqu’il s’agit d’un dialogue, et elle nous amène vers toute sortes de sujets connexes à la mort. Même si le sujet peut paraître morbide, le traitement lui, est très vivant, et très intéressant, surtout que les deux invités sont souvent en désaccord, mais un désaccord « civilisé » (nous sommes loin des médias sociaux !), qui nous amène vers d’intéressantes pistes de réflexions. C’est suivi, à titre de postface, d’un texte du professeur de littérature et essayiste, Yvon Rivard, qui résume un peu le débat et donne son opinion.

Diaz, Hernan. Au loin. Delcourt/10/18. 2018

Deux jeunes frères, suédois, s’embarquent, au milieu du XIXème siècle, sur un bateau pour aller en Amérique. Le problème c’est qu’un incident sépare les deux frères sur le quai d’un port anglais et les deux se retrouvent embarqués sur deux différents navires. Nous suivons les aventures du plus jeune qui, au lieu de se retrouver à New-York, tel que prévu, se retrouve… en Californie. Il décide alors de traverser le continent américain, à pied, d’ouest en est, à rebours de tout ces gens, à la recherche de la Terre Promise, qui font le voyage vers l’ouest. Nous suivons les péripéties de ce jeune suédois, dont personne n’arrive à prononcer de nom correctement, et qui deviendra un personnage légendaire dans cette Amérique qui s’abreuve de mythes. Le style est élégant, précis, concis, réaliste tout en étant poétique et les personnages sont pour le moins pittoresques sinon emblématiques. Mais il demeure que le personnage principal que devra affronter le jeune suédois est l’Amérique elle-même dans la démesure de son paysage naturel, où le terme de survie n’est pas un vain mot. Il s’agit du premier roman d’Herman Diaz. L’auteur est natif de l’Argentine et il a vécu en Suède et à Londres, et il vit maintenant à New-York où il dirige l’Institut hispanique de l’Université Colombia. Son roman à remporter plusieurs prix et a même été finaliste pour le prestigieux prix Pulitzer de fiction, qu’il a finalement remporté pour son second roman Trust, en 2023.

Foenkinos, David. Charlotte / avec des gouaches de Charlotte Salomon. Gallimard, 2014

Ma première « rencontre » avec Charlotte Salomon eu lieu dans le livre de Maria Stepanova, «En mémoire de la mémoire», où elle apparaît telle une météorite noir pour disparaître quelques paragraphes plus loin. Que venait elle faire dans cette histoire? Assez pour que je me renseigne sur ce personnage, bien réel, et son destin tragique. Ma quête m’a mené au livre (roman ?) de David Foenkinos qui raconte l’histoire de Charlotte. Issue d’une famille juive allemande, son père était médecin et sa mère venait d’une « drôle » de famille. En effet, la soeur de sa mère, donc sa tante, qui se prénommait Charlotte, s’est suicidée, jeune, sans aucune explication. Sa mère en est demeurée traumatisée et, souvent, elle amène sa fille sur la tombe de sa tante, et c’est sur la pierre tombale de celle-ci que Charlotte voit son prénom écrit pour la première fois. Mais ce n’est pas tout. La mère de Charlotte se suicidera aussi, comme, plus tard, sa grand-mère maternelle dont le frère s’était lui-même suicidé, etc. Vous voyez le tableau, nous sommes en pleine tragédie, à en faire rougir Sophocle, Racine ou Corneille. Et, évidemment, nous nous retrouvons en pleine montée du nazisme, et Charlotte et ses grands-parents maternels se réfugieront dans le sud de la France. Bon, je ne vous compte pas toute l’histoire mais je veux souligner un point essentiel. En plus d’avoir une destinée digne d’une tragédie grecque, Charlotte est douée en dessin. Très douée même. Alors, pendant deux ans, recluse dans le sud de la France, elle va entreprendre un projet fou. Elle va raconter son histoire et celle de sa famille en dessinant des gouaches (plus de 2,000 !), mais elle incorpore dans ses dessins, des textes, des références musicales, bref elle crée une oeuvre totale, le premier roman graphique, ou la plus grande bande dessinée autobiographique. Elle arrivera surtout à sauvé cette oeuvre monumentale en la confiant à un médecin grâce auquel cette oeuvre a survécu (elle est maintenant dans un musée à Amsterdam), et elle a même été publiée. Vous pouvez même la voir à la BAnQ. Je vous recommande ce livre de David Foenkinos qui raconte non seulement la vie et le destin de Charlotte Salomon, mais aussi le travail qu’il effectua pour écrire son livre. Et je vous recommande particulièrement l’édition que j’ai lue car elle inclut des gouaches de Charlotte Salomon. C’est un livre qui ne laisse pas indifférent et un personnage qui nous habite longtemps. Pour en savoir plus sur Charlotte Salomon, voir cette vidéo sur Youtube.

Izoard, Célia. La ruée minière au XXIème siècle : Enquête sur les métaux à l’ère de la transition. Éditions rue Dorion, 2024 (publié en France au Seuil dans la collection Écocène, 2024).

« Dire que la transition énergétique consiste à passer des énergies fossiles aux énergies renouvelables élude une réalité matérielle lourde de conséquences. La transition implique en fait de passer des énergies fossiles aux métaux, lesquels ne sont pas renouvelables. […] D’ici à 2050 on estime que, pour respecter les Accords de Paris selon les scénarios économiques dominants, il faudrait produire cinq à dix fois plus de métaux qu’aujourd’hui. » Et cette production de métaux (prospection, extraction, traitement, etc.) est loin d’être carboneutre, et elle aussi socialement dangereuse. Voir à ce sujet un article de La Presse sur le livre de Célia Izoard. Et tiens, tant qu’à vous mâcher le travail, un résumé du livre sur l’excellent site Jeanne Emard (j’en ai marre, vous saisissez ?)

Kluge, Alexander. Chronique des sentiments. Gallimard/Arcades, 2003

Il est difficile de définir ce qu’est ce livre, sinon de dire que c’est un OVNI, alors commençons par dire un mot de son auteur. Né en 1932 en Allemagne, Alexander Kluge a une formation comme avocat, mais il est surtout cinéaste (un des initiateurs du nouveau cinéma allemand des années 60-70), écrivain, homme de radio et de télévision et une des figures intellectuelles éminentes de l’Allemagne actuelle. Et quand je dis que son livre « Chronique des sentiments » est un OVNI, en fait je devrais dire un morceau d’OVNI. Car le livre de 250 pages que je viens de terminer est en fait un choix de textes fait par le traducteur français, Pierre Deshusses, mais approuvé par l’auteur, d’une oeuvre en deux volumes (T1-Histoires de base ; T2-Inquiétance du temps) totalisant plus de 2 300 pages et réunissant plus de 800 histoires. Histoires, anecdotes, faits divers, allant du naufrage du Titanic à la construction d’un pont ayant permis la retraire de Russie de la Grande Armée napoléonienne, du quotidien d’une prostituée d’Hambourg au sort des deux enfants du porte-parole de Tibère, général en chef de la garde prétorienne. Histoires réelles ? Histoires inventées ? Quelle importance ! Et qu’est-ce qui relie ces histoires ? Elles miment l’Histoire et montre à quel point, en dépit de tous les chaos événementiels, les « sentiments restent étonnamment constants ». J’aurai peut-être, un jour, le courage de me taper les deux tomes…

Pleau, Jean-Philippe. Rue Duplessis. Ma petite noirceur. Roman (mettons). Lux, 2024

J’ai lu un des livres que Sylvie a aussi lu ce mois-ci, alors je vais essayer de ne pas la répéter. Le « phénomène » des transfuges de classe est à la mode ces années-ci (remarquer que quand je dis « ces années-ci » je vise large car, en fait, on pourrait dire qu’il date particulièrement des années 60 avec une certaine démocratisation de l’enseignement supérieur) : l’oeuvre d’Annie Ernaux est en majeure partie fondée là-dessus, ainsi que celle de Edouard Louis, et le sociologue Didier Eribon y a aussi contribué, tous/toute sous l’influence théorique de Pierre Bourdieu. Au Québec, le très beau livre des mémoires du sociologue et poète Fernand Dumont, intitulé Récit d’une émigration et paru en 1997 avait magnifiquement mis la table. On peut aussi verser dans ce dossier le livre de Caroline Dawson, sociologue elle aussi, Là où je me terre qui est dans son cas un récit d’immigration. Mais, Jean-Philippe Pleau, le sympathique animateur de l’émission de radio « Penser à voix haute » (qui a succédé à l’émission « C’est fou » qu’il co-animait avec feu Serge Bouchard), n’est ni Annie Ernaux, au niveau du style littéraire, ni Fernand Dumont au niveau de la finesse d’analyse. En résulte un livre, certes intéressant, surtout pour ceux qui veulent mieux connaître l’auteur, mais passablement brouillon, avec beaucoup, mais vraiment beaucoup de redites. Ce qui en ressort appartient plus au niveau de l’analyse psychologique que sociologique, et on se demande si « sa petite noirceur » n’est pas plus, ou du moins autant, due à sa relation avec une mère hyper-anxieuse et protectrice, et un père aussi carencé au niveau de son estime de soi, qu’à son origine de classe. Quand on termine se livre on comprend mieux les tics de l’animateur de radio (qui passe son temps à vouloir être rassuré par son co-animateur/trice sur ce qu’il dit, ou à s’excuser et mettre de l’avant sa formation de sociologue. Quand même une lecture aisée et qui a sûrement eu (du moins je lui souhaite) un effet cathartique pour l’auteur.

Smith, Patti. Un livre de jours. Gallimard, 2023 (2022)

J’ai un attrait particulier pour Patti Smith, élégie de la scène punk-rock des années 70, poétesse, écrivaines, photographes, dont j’ai lu presque tous les livres à partir de Just Kids qui est son autobiographie. Mais ce livre est particulier car c’est un livre de photographies, avec seulement un texte d’introduction et une légende pour chaque photographie. L’idée de ce livre est venu à Patti Smith à cause de l’inaction et du cloisonnement amené par la pandémie de Covid-19. Elle a alors entrepris de faire du ménage dans ses photos, prisent avec son vieille appareil polaroid, ou son cellulaire et en a fait un livre des jours, une photo par jour pour les 366 jours d’une année bissextile.

Évidemment, je poursuis aussi la lecture du livre de Eric R. Wolf, L'Europe et l'histoire des sans-histoire (j'en suis à la page 327 sur 612 pages, j'espère le finir en juin), et le Journal 1922-1989» de Michel Leiris (484 pages sur 1047, j'en ai probablement pour l'été), ainsi que quelques autres petites choses...


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